De l'eau pour nos Moulins ??!!
N° 2333
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 octobre 2019.
PROPOSITION DE LOI
visant à préserver et à protéger les moulins,
(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Danielle BRULEBOIS, Barbara BESSOT BALLOT, Sarah EL HAÏRY, Mireille
ROBERT, Bruno MILLIENNE, Jacques MARILOSSIAN, Stéphane
TROMPILLE, Yves DANIEL, Bertrand SORRE, Frédérique LARDET, Grégory
BESSON-MOREAU, Claire O’PETIT, Jean-Luc LAGLEIZE, Jean-Pierre
CUBERTAFON, Yannick KERLOGOT, Jean-Michel JACQUES, Patrice
PERROT, Pierre CABARÉ, Xavier BATUT, Martine LEGUILLE-BALLOY,
Thomas GASSILLOUD, Éric ALAUZET, Philippe LATOMBE, Béatrice
PIRON, Olivier GAILLARD, Typhanie DEGOIS, Denis SOMMER, Philippe
HUPPÉ, Alain PEREA, Cendra MOTIN, Didier MARTIN,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
MESDAMES, MESSIEURS,
La France compte aujourd’hui plusieurs dizaines de milliers
d’ouvrages hydrauliques qui se sont installés dans ses vallées au cours du
dernier millénaire. Ces ouvrages donnent leur force motrice hydraulique
aux moulins de rivières ou d’étangs, mais maintiennent aussi la ligne d’eau
qui protège la vie aquatique et assurent une irrigation aux terres agricoles
alentour.
Depuis l’adoption en 2006 de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques
(LEMA), le Parlement a mis en évidence la nécessité d’assurer la
continuité écologique des milieux aquatiques dans le but de préserver la
biodiversité. Cette continuité élève les entraves à la libre circulation de
l’eau, des espèces ou des sédiments comme facteur majeur de perturbation
de ces écosystèmes, bien au-dessus du changement climatique et de la
pollution.
Au plan biologique, le premier enjeu de la continuité est de permettre
le cycle de vie des poissons grands migrateurs amphihalins qui ont
d’importants besoins de déplacements dans les cours d’eau, notamment
l’anguille et le saumon. Ces derniers faisant l’objet d’engagements français
et européens pour leur protection.
Le vote de la LEMA a toutefois donné lieu à une interprétation quant à
l’esprit de la loi qui a généré de nombreux conflits, relatés dans plusieurs
rapports parlementaires (Dubois Vigier 2015, Pointereau 2015) et audits
administratifs (CGEDD 2012 ; CGEDDD 2017).
Cette interprétation concerne la nature de la continuité écologique : il
s’agit d’un besoin fonctionnel de montaison et dévalaison de poissons
d’intérêt, le cas échéant des sédiments, et non pas d’une volonté publique
de « renaturer » des cours d’eau pour revenir à des rivières « sauvages »,
exemptes de toute présence humaine et de tout héritage historique.
Un tel objectif serait d’autant plus incohérent que les milieux naturels
présentent aussi de nombreuses discontinuités spontanées : cascades, sauts,
chutes, torrents, rapides, barrages d’embâcles, barrages de castors, assecs,
etc., qui n’impactent aucunement leur fonctionnalité écosystémique. Or
cette interprétation d’une « rivière sauvage renaturée » conduit dans bien
des cas à une destruction systématique des moulins, étangs et autres
ouvrages, contrairement à la loi de 2006, qui parle bien « d’équiper, gérer,
entretenir » des ouvrages (article L. 214-17 CE, cf. ci-après).
D’autre part la raréfaction des poissons grands migrateurs amphihalins est un
phénomène récent, il serait donc malavisé de l’imputer à l’existence des
seuils et ouvrages hydrauliques qui pour beaucoup sont antérieurs à 1789 et
n’encombrent pas plus les cours d’eau que la plupart des seuils naturels,
rapides, cascades, etc. disséminés ici ou là.
Il apparaît donc nécessaire de rappeler la continuité entre les impératifs
de préservation de la biodiversité, de conservation du patrimoine bâti et de
développement du petit hydroélectrique. Devant les divergences
d’interprétation et les incompréhensions qui entourent la loi LEMA de
2006, il convient donc de simplifier et de clarifier le droit existant pour
permettre la préservation de notre patrimoine et le développement de la
petite production hydroélectrique dans le respect de la biodiversité.
Les ouvrages en lit mineur (types moulins, étangs, plans d’eau, lacs)
maintiennent les lames d’eau à l’étiage, alimentant des marges humides ou
des canaux faisant circuler l’eau. Cette option permet de mieux exploiter
l’eau excédentaire des saisons pluvieuses. Une politique de continuité
écologique devrait viser une bonne gestion de ces ouvrages, éventuellement
leur équipement afin de faciliter la circulation des grands migrateurs et des
sédiments là où ils sont déficitaires mais elle ne devrait pas détruire le
patrimoine des rivières, la faune et la flore en place, les ressources des
plans d’eaux et des canaux, la protection incendie, le potentiel énergétique
bas-carbone et les nombreux autres atouts des ouvrages.
Les présentes propositions visent ainsi à :
– clarifier et simplifier la mise en œuvre de la continuité des cours
d’eau, pour en conserver l’efficacité sur les enjeux écologiques essentiels
tout en diminuant son coût et sa conflictualité ;
– engager les moulins et autres ouvrages équipables dans l’urgence de
la transition bas-carbone en reconnaissant leur potentiel et en favorisant son
équipement, particulièrement dans les territoires ruraux fortement dotés en
ouvrages hydrauliques ;
– protéger la faune et la flore aquatiques et rivulaires des écosystèmes
multiséculaires d’origine humaine qui sont aujourd’hui négligés alors qu’ils
ont un réel intérêt écologique et hydrologique.
L’article 1er prévoit de clarifier la définition des écosystèmes
aquatiques afin d’y intégrer les écosystèmes d’origine humaine (lacs,
étangs, mares, canaux...) afin que la préservation des écosystèmes naturels
se fasse dans le respect de ces derniers.
L’article 2 vise à intégrer aux comités de bassin les représentants des
moulins comme acteurs de la rivière ayant vocation à débattre et à
participer de façon collégiale aux décisions portant sur leur avenir.
L’article 3 propose de sécuriser la situation des entreprises
hydroélectriques soumises à la perception par l’agence de l’eau des
redevances prévues à l’article L. 213-10 du code de l’environnement afin
de promouvoir le développement du petit hydroélectrique.
L’article 4 prévoit l’exemption des ouvrages fondés en titre aux
obligations définies au I de l’article L. 214-17 du code de l’environnement.
En effet, l’ensemble de ces moulins étant autorisés depuis 1789, les
récentes dégradations des écosystèmes aquatiques liées au réchauffement
climatique ne sauraient leur être imputées.
L’article 5 vise à exempter les moulins des interdictions imposées par
l’autorité administrative si leur présence n’entrave pas la libre circulation
des espèces nécessaire au maintien de la continuité écologique.
L’exposition à l’air libre des fondations des moulins peut conduire à
une érosion prématurée de ces dernières et à une destruction du patrimoine
bâti.
L’article 6 prévoit que les décisions de l’autorité administrative dans
le cadre des dispositions de l’article L. 214-17 du code de l’environnement
ne doivent pas menacer durablement notre patrimoine ou ses fonctions
agricoles.
Le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE)
est l’outil principal de la planification dans le domaine de l’eau. Dans la
continuité des engagements pris dans le cadre de la Programmation
pluriannuelle de l’énergie et afin de promouvoir la transition énergétique.
L’article 7 prévoit d’assurer la cohérence des objectifs écologiques,
hydrologiques et énergétiques au sein du SDAGE en y intégrant la
production hydroélectrique.
La loi prévoit d’exempter les bâtiments qui servent aux exploitations
rurales du paiement de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Dans un
souci de justice fiscale et afin de rappeler l’importance du petit
hydrolélectrique dans la transition énergétique, l’article 8 prévoit
d’exempter les moulins du paiement de cette taxe, en particulier ceux qui
produisent de l’électricité.
L’article 9 vise à compenser les conséquences financières des
dispositions de la présente proposition de loi au titre de l’article 40 de la
Constitution.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Le 1° de l’article L. 211-1 du code de l’environnement est complété
par un alinéa ainsi rédigé :
« Les écosystèmes aquatiques, sites et zones humides incluent les
écosystèmes d’origine humaine (lacs, étangs, mares, canaux, biefs)
susceptibles d’héberger une faune et une flore d’intérêt ; ».
Article 2
À la seconde phrase du 2° de l’article L. 213-8 du code de
l’environnement, après le mot : « tourisme », sont insérés les mots : « , des
moulins ».
Article 3
L’article L. 213-10 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les moulins tels que définis au III de l’article L. 211-1 exploitant
l’énergie hydraulique pour la production d’hydroélectricité, dont la
puissance est comprise entre 3 et 150 kilowatts, ne sont pas considérés
comme exerçant une activité taxable au sens de la présente sous-section. »
2° Après le mot : « validité », la fin de l’alinéa est ainsi rédigée :
« . En ce cas, l’agence est tenue de notifier au demandeur toute
modification de son appréciation. »
Article 4
Le IV de l’article L. 214-17 du code de l’environnement est complété
par un alinéa ainsi rédigé : « Les obligations résultant I du présent article ne
s’appliquent pas aux ouvrages fondés en titre. »
Article 5
Après l’article L. 214-18-1 du code de l’environnement, il est inséré un
article L. 214-18-2 ainsi rédigé :
« Art. L.214-18-2. – Les seuils de moulins ou autres installations
fonctionnant par surverse situés sur les cours d’eau, parties de cours d’eau
ou canaux mentionnés au 1° du I de l’article L. 214-17, lorsqu’ils
n’entravent pas la libre circulation des espèces, ne sont pas soumis aux
prescriptions de l’autorité administrative mentionnées au même 1°. »
Article 6
Après l’article L. 214-18-2 du code de l’environnement, tel qu’il
résulte de la présente loi, il est inséré un article L. 214-18-3 ainsi rédigé :
« Art. L.214-18-3. – Aucune intervention sur un ouvrage hydraulique
fondé en titre, dans le cadre des dispositions prévues au I de l’article
L. 214-17 ne doit provoquer une baisse de la ligne d’eau de nature à altérer
les fonctions agricoles collatérales de l’ouvrage ou à fragiliser ses
fondations. »
Article 7
Après la première phrase du premier alinéa du IX de l’article L. 212-1
du code de l’environnement, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Le
schéma directeur définit le potentiel énergétique total lié à l’eau qui peut
être mobilisé dans le cadre des objectifs de la transition bas carbone
d’autoconsommation énergétique et établit un taux d’équipement de la
rivière. »
Article 8
Après le 6° de l’article 1382 du code général des impôts, il est inséré
un 6° bis ainsi rédigé :
« 6°bis Les moulins tels que définis au III de l’article L. 211-1 du code
de l’environnement. L’exercice d’une activité de production d’électricité
d’origine renouvelable de type hydraulique, dans un ancien moulin,
ouvrage définis au III de l’article 211-1 du code de l’environnement, n’est
pas de nature à remettre en cause cette exonération. Cette activité n’est pas
accessoire mais principale en ce qu’elle est exemplaire en matière de lutte
contre le réchauffement climatique et utile à la transition énergétique. Elle
est applicable dans le cas de l’autoconsommation. »
Article 9
I. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence
par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts.
II. – La perte de recettes pour les collectivités territoriales est
compensées à due concurrence par la majoration de prélèvement sur les
recettes de l’État au titre de la compression d’exonérations relatives à la
fiscalité locale et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe
additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code
général des impôts.
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