Patrimoine Moulins Levées et Canaux 07-26

Patrimoine Moulins Levées et Canaux 07-26

De l'eau pour nos Moulins ??!!

 

N° 2333

 

 

 

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 octobre 2019.

 

PROPOSITION DE LOI

 

visant à préserver et à protéger les moulins,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

 

présentée par Mesdames et Messieurs

Danielle BRULEBOIS, Barbara BESSOT BALLOT, Sarah EL HAÏRY, Mireille

ROBERT, Bruno MILLIENNE, Jacques MARILOSSIAN, Stéphane

TROMPILLE, Yves DANIEL, Bertrand SORRE, Frédérique LARDET, Grégory

BESSON-MOREAU, Claire O’PETIT, Jean-Luc LAGLEIZE, Jean-Pierre

CUBERTAFON, Yannick KERLOGOT, Jean-Michel JACQUES, Patrice

PERROT, Pierre CABARÉ, Xavier BATUT, Martine LEGUILLE-BALLOY,

Thomas GASSILLOUD, Éric ALAUZET, Philippe LATOMBE, Béatrice

PIRON, Olivier GAILLARD, Typhanie DEGOIS, Denis SOMMER, Philippe

HUPPÉ, Alain PEREA, Cendra MOTIN, Didier MARTIN,

députés.

 

 

EXPOSÉ DES MOTIFS

 

MESDAMES, MESSIEURS,

 

La France compte aujourd’hui plusieurs dizaines de milliers

d’ouvrages hydrauliques qui se sont installés dans ses vallées au cours du

dernier millénaire. Ces ouvrages donnent leur force motrice hydraulique

aux moulins de rivières ou d’étangs, mais maintiennent aussi la ligne d’eau

qui protège la vie aquatique et assurent une irrigation aux terres agricoles

alentour.

 

Depuis l’adoption en 2006 de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques

(LEMA), le Parlement a mis en évidence la nécessité d’assurer la

continuité écologique des milieux aquatiques dans le but de préserver la

biodiversité. Cette continuité élève les entraves à la libre circulation de

l’eau, des espèces ou des sédiments comme facteur majeur de perturbation

de ces écosystèmes, bien au-dessus du changement climatique et de la

pollution.

 

Au plan biologique, le premier enjeu de la continuité est de permettre

le cycle de vie des poissons grands migrateurs amphihalins qui ont

d’importants besoins de déplacements dans les cours d’eau, notamment

l’anguille et le saumon. Ces derniers faisant l’objet d’engagements français

et européens pour leur protection.

 

Le vote de la LEMA a toutefois donné lieu à une interprétation quant à

l’esprit de la loi qui a généré de nombreux conflits, relatés dans plusieurs

rapports parlementaires (Dubois Vigier 2015, Pointereau 2015) et audits

administratifs (CGEDD 2012 ; CGEDDD 2017).

 

Cette interprétation concerne la nature de la continuité écologique : il

s’agit d’un besoin fonctionnel de montaison et dévalaison de poissons

d’intérêt, le cas échéant des sédiments, et non pas d’une volonté publique

de « renaturer » des cours d’eau pour revenir à des rivières « sauvages »,

exemptes de toute présence humaine et de tout héritage historique.

Un tel objectif serait d’autant plus incohérent que les milieux naturels

présentent aussi de nombreuses discontinuités spontanées : cascades, sauts,

chutes, torrents, rapides, barrages d’embâcles, barrages de castors, assecs,

etc., qui n’impactent aucunement leur fonctionnalité écosystémique. Or

cette interprétation d’une « rivière sauvage renaturée » conduit dans bien

des cas à une destruction systématique des moulins, étangs et autres

ouvrages, contrairement à la loi de 2006, qui parle bien « d’équiper, gérer,

entretenir » des ouvrages (article L. 214-17 CE, cf. ci-après).

 

D’autre part la raréfaction des poissons grands migrateurs amphihalins est un

phénomène récent, il serait donc malavisé de l’imputer à l’existence des

seuils et ouvrages hydrauliques qui pour beaucoup sont antérieurs à 1789 et

n’encombrent pas plus les cours d’eau que la plupart des seuils naturels,

rapides, cascades, etc. disséminés ici ou là.

 

Il apparaît donc nécessaire de rappeler la continuité entre les impératifs

de préservation de la biodiversité, de conservation du patrimoine bâti et de

développement du petit hydroélectrique. Devant les divergences

d’interprétation et les incompréhensions qui entourent la loi LEMA de

2006, il convient donc de simplifier et de clarifier le droit existant pour

permettre la préservation de notre patrimoine et le développement de la

petite production hydroélectrique dans le respect de la biodiversité.

 

Les ouvrages en lit mineur (types moulins, étangs, plans d’eau, lacs)

maintiennent les lames d’eau à l’étiage, alimentant des marges humides ou

des canaux faisant circuler l’eau. Cette option permet de mieux exploiter

l’eau excédentaire des saisons pluvieuses. Une politique de continuité

écologique devrait viser une bonne gestion de ces ouvrages, éventuellement

leur équipement afin de faciliter la circulation des grands migrateurs et des

sédiments là où ils sont déficitaires mais elle ne devrait pas détruire le

patrimoine des rivières, la faune et la flore en place, les ressources des

plans d’eaux et des canaux, la protection incendie, le potentiel énergétique

bas-carbone et les nombreux autres atouts des ouvrages.

 

Les présentes propositions visent ainsi à :

 

– clarifier et simplifier la mise en œuvre de la continuité des cours

d’eau, pour en conserver l’efficacité sur les enjeux écologiques essentiels

tout en diminuant son coût et sa conflictualité ;

– engager les moulins et autres ouvrages équipables dans l’urgence de

la transition bas-carbone en reconnaissant leur potentiel et en favorisant son

équipement, particulièrement dans les territoires ruraux fortement dotés en

ouvrages hydrauliques ;

– protéger la faune et la flore aquatiques et rivulaires des écosystèmes

multiséculaires d’origine humaine qui sont aujourd’hui négligés alors qu’ils

ont un réel intérêt écologique et hydrologique.

 

L’article 1er prévoit de clarifier la définition des écosystèmes

aquatiques afin d’y intégrer les écosystèmes d’origine humaine (lacs,

étangs, mares, canaux...) afin que la préservation des écosystèmes naturels

se fasse dans le respect de ces derniers.

 

L’article 2 vise à intégrer aux comités de bassin les représentants des

moulins comme acteurs de la rivière ayant vocation à débattre et à

participer de façon collégiale aux décisions portant sur leur avenir.

 

L’article 3 propose de sécuriser la situation des entreprises

hydroélectriques soumises à la perception par l’agence de l’eau des

redevances prévues à l’article L. 213-10 du code de l’environnement afin

de promouvoir le développement du petit hydroélectrique.

 

L’article 4 prévoit l’exemption des ouvrages fondés en titre aux

obligations définies au I de l’article L. 214-17 du code de l’environnement.

En effet, l’ensemble de ces moulins étant autorisés depuis 1789, les

récentes dégradations des écosystèmes aquatiques liées au réchauffement

climatique ne sauraient leur être imputées.

 

L’article 5 vise à exempter les moulins des interdictions imposées par

l’autorité administrative si leur présence n’entrave pas la libre circulation

des espèces nécessaire au maintien de la continuité écologique.

L’exposition à l’air libre des fondations des moulins peut conduire à

une érosion prématurée de ces dernières et à une destruction du patrimoine

bâti.

 

L’article 6 prévoit que les décisions de l’autorité administrative dans

le cadre des dispositions de l’article L. 214-17 du code de l’environnement

ne doivent pas menacer durablement notre patrimoine ou ses fonctions

agricoles.

Le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE)

est l’outil principal de la planification dans le domaine de l’eau. Dans la

continuité des engagements pris dans le cadre de la Programmation

pluriannuelle de l’énergie et afin de promouvoir la transition énergétique.

 

L’article 7 prévoit d’assurer la cohérence des objectifs écologiques,

hydrologiques et énergétiques au sein du SDAGE en y intégrant la

production hydroélectrique.

La loi prévoit d’exempter les bâtiments qui servent aux exploitations

rurales du paiement de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Dans un

souci de justice fiscale et afin de rappeler l’importance du petit

hydrolélectrique dans la transition énergétique, l’article 8 prévoit

d’exempter les moulins du paiement de cette taxe, en particulier ceux qui

produisent de l’électricité.

 

L’article 9 vise à compenser les conséquences financières des

dispositions de la présente proposition de loi au titre de l’article 40 de la

Constitution.

 

PROPOSITION DE LOI

 

Article 1er

Le 1° de l’article L. 211-1 du code de l’environnement est complété

par un alinéa ainsi rédigé :

« Les écosystèmes aquatiques, sites et zones humides incluent les

écosystèmes d’origine humaine (lacs, étangs, mares, canaux, biefs)

susceptibles d’héberger une faune et une flore d’intérêt ; ».

 

Article 2

À la seconde phrase du 2° de l’article L. 213-8 du code de

l’environnement, après le mot : « tourisme », sont insérés les mots : « , des

moulins ».

 

Article 3

L’article L. 213-10 du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les moulins tels que définis au III de l’article L. 211-1 exploitant

l’énergie hydraulique pour la production d’hydroélectricité, dont la

puissance est comprise entre 3 et 150 kilowatts, ne sont pas considérés

comme exerçant une activité taxable au sens de la présente sous-section. »

2° Après le mot : « validité », la fin de l’alinéa est ainsi rédigée :

« . En ce cas, l’agence est tenue de notifier au demandeur toute

modification de son appréciation. »

 

Article 4

Le IV de l’article L. 214-17 du code de l’environnement est complété

par un alinéa ainsi rédigé : « Les obligations résultant I du présent article ne

s’appliquent pas aux ouvrages fondés en titre. »

 

Article 5

Après l’article L. 214-18-1 du code de l’environnement, il est inséré un

article L. 214-18-2 ainsi rédigé :

« Art. L.214-18-2. – Les seuils de moulins ou autres installations

fonctionnant par surverse situés sur les cours d’eau, parties de cours d’eau

ou canaux mentionnés au 1° du I de l’article L. 214-17, lorsqu’ils

n’entravent pas la libre circulation des espèces, ne sont pas soumis aux

prescriptions de l’autorité administrative mentionnées au même 1°. »

 

Article 6

Après l’article L. 214-18-2 du code de l’environnement, tel qu’il

résulte de la présente loi, il est inséré un article L. 214-18-3 ainsi rédigé :

« Art. L.214-18-3. – Aucune intervention sur un ouvrage hydraulique

fondé en titre, dans le cadre des dispositions prévues au I de l’article

L. 214-17 ne doit provoquer une baisse de la ligne d’eau de nature à altérer

les fonctions agricoles collatérales de l’ouvrage ou à fragiliser ses

fondations. »

 

Article 7

Après la première phrase du premier alinéa du IX de l’article L. 212-1

du code de l’environnement, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Le

schéma directeur définit le potentiel énergétique total lié à l’eau qui peut

être mobilisé dans le cadre des objectifs de la transition bas carbone

d’autoconsommation énergétique et établit un taux d’équipement de la

rivière. »

 

Article 8

Après le 6° de l’article 1382 du code général des impôts, il est inséré

un 6° bis ainsi rédigé :

« 6°bis Les moulins tels que définis au III de l’article L. 211-1 du code

de l’environnement. L’exercice d’une activité de production d’électricité

d’origine renouvelable de type hydraulique, dans un ancien moulin,

ouvrage définis au III de l’article 211-1 du code de l’environnement, n’est

pas de nature à remettre en cause cette exonération. Cette activité n’est pas

accessoire mais principale en ce qu’elle est exemplaire en matière de lutte

contre le réchauffement climatique et utile à la transition énergétique. Elle

est applicable dans le cas de l’autoconsommation. »

 

Article 9

I. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence

par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux

articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. – La perte de recettes pour les collectivités territoriales est

compensées à due concurrence par la majoration de prélèvement sur les

recettes de l’État au titre de la compression d’exonérations relatives à la

fiscalité locale et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe

additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code

général des impôts.

 

 



02/11/2019
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi